bougies
Deux bougies dans la chambre,
Une table de bois,
Une bouteille, un verre,
Et moi, qui bois,
Qui bois !
Un pigeon à la vitre,
Ensangloté,
Malade et moche,
Volant sa vie en miettes,
Qu'on ne tue qu'une fois
Car un voisin l'a vu
Voler sa vie en miettes;
A la vitre, une cloche
Qu'on n'assassine pas
Parce qu’elle a
Des frissons flous
Qui passent sur mes songes,
Parce qu'elle a
Des soupirs courts,
Qui courent
Légers sur mes sommeils;
A la vitre,
Un rideau sale et
Vitriolé
Par quelque mégot-voyageur
Qui n'avait pas de but,
Et moi,
Que l'on n'achève pas,
Pas encore,
Parce que j'ai bu
Et qu’on me blesse d' indulgences
Quand j'ai bu,
Peut-être aussi
Qu'il ne faut pas briser la vitre
Car on verrait quelque sorcier,
Ou, qu'il fait froid chez moi
Et que l'on voit
A la vitre
Deux bougies dans la chambre,
Une table de bois,
Une bouteille, un verre,
Et moi, qui bois,
Qui bois !
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nouvelles, contes, chansons... en grappes
Les jours glissaient
Les jours glissaient! Glissaient aux oiseaux de cinq heures,
A l'aube qui moussait vaporeuse au soleil,
Au matin picotant nos moiteurs qui s'effleurent
Au baiser qui cueillait ta paupière au sommeil,
Bonjour, vous! Tu cambrais ton éveil jusqu'aux lèvres,
Tu mordillais du ciel sur ma peau, je blessais
Doucement le silence, alors louve, alors lièvre
Nous glissions dans les jours tant que les jours glissaient.
Nous nous aimions au vent, au froissement des gerbes,
Et nos corps faisaient corps aux veines des labours.
Les terres nous parlaient; nous sentions aux herbes
Sourdre du sang qui les battait sur leurs flancs lourds.
Quelque part, en Bretagne, où fuit la mer qui rentre,
Le temps n'existait pas, c'était un premier mai,
Les terres nous parlaient aux sillons de leur ventre,
Les jours glissaient, elle était belle, et je l'aimais!…
Combats
J'ai brûlé tes saisons avec un train d'enfer
J'ai brûlé tes sommeils en chevauchant tes rêves
J'ai martelé ta fièvre â coup de soleils verts
J'ai fait danser tes nuits dans l'immensité brève.
J'ai creusé dans ta peau des terrains sans merci
Où s'affrontent nos peurs, où meurent nos violences
Des terrains de géant, de guerre et de soucis
Où vibrent nos exils, où flambent nos semences.
Mes amours sont des feux qui embrasent mes mains,
Dans ce ciel interdit où les horizons bougent
J'ai incendié ton front avec mes lunes rouges
J'ai tracé sur ta peau ton rire de demain!
Ta peau, c'est mon combat qui viole ta mémoire
Où j'étrangle la mort en mordant dans tes jours
Où je chasse, où je pille, où je gronde, où je cours
Ta peau c’est mon combat et c'est mon territoire.
J'ai mené sur ton corps les combats des chevaux
Et, braises aux sabots qui déchirent la brume,
J'ai éclaté ton ventre égorgeant mes rivaux
J'ai léché sur tes flancs le sang de ton écume.
J'ai torturé ta haine et tes soleils moussants
J'ai dévoré tes reins sans trahir ta blessure
Quand je me suis couché pour vivre mes morsures.
C'est toi qui as lavé l'écume de mon sang.
Cette nuit
Cette nuit, -l'aviez-vous deviné?-
J'ai trempé dans ton regard un beau croissant de lune;
et ce matin,
-vous l'aviez deviné!
Je l'ai croqué, ce beau croissant de lune,
Je l'ai croqué en m'éveillant dans ton regard;
Et tout le ciel est entré dans tes yeux
et j'ai fermé les miens;
Et j'ai fermé les yeux sur ton visage
et tout le ciel est entré dans mon coeur!
Et tout le ciel est entré dans la tasse à café de notre petit déjeuner.
Et je t'ai bue toute entière!
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