Quand l'ancêtre parlait,
Tout le monde se taisait
Quand l'ancêtre parlait
Tout le monde pensait tout bas
Que l'ancêtre parlait trop
Tout le monde pensait tout bas
Parce que tout le monde se taisait
Quand l'ancêtre parlait.
Quand l'ancêtre dormait
Tout le monde dormait
Quand l'ancêtre dormait
Tout le monde rêvait tout bas
En priant Dieu tout bas
Que l'ancêtre n'entende pas
Parce qu'il ne fallait pas rêver
Quand l'ancêtre dormait.
Quand l'ancêtre trimait
Tout le monde trimait
Même quand l'ancêtre ne trimait pas
Tout le monde regardait tout bas
Les champs, les bois, là-bas,
Mais tout le monde n'y allait pas
Parce que l'ancêtre trimait
Ou ne trimait pas.
Quand l'ancêtre mangeait
Tout le monde mangeait
Quand l'ancêtre buvait
'Tout le monde buvait
Quand l'ancêtre pissait
Tout le monde pissait
Toujours tout bas, toujours tout bas
Même si tout le monde n'aimait pas.
Quand l'ancêtre riait
Tout le monde riait
Parce que l'ancêtre riait
De les voir pleurer tout bas
De les voir rire tout haut
Parce que tout le monde riait
Quand l’ancêtre riait
Et tout le monde n'aimait pas ça. ¬
Quand l'ancêtre vivait
On ne parlait pas
On ne rêvait pas
On pensait tout bas
On priait tout bas
Que l'ancêtre meurt.
Quand l'ancêtre est mort
Tout le monde pensait tout bas
Qu'il fallait penser tout haut
Mais tout le monde ne savait pas
Penser tout haut
L'ancêtre n'était plus là
Tout le monde est resté muet tout haut
En regardant les champs, les bois, là-bas,
En pensant tout bas
Que viendrait leur tour -peut-être un jour?¬
D'être l'ancêtre qui trimait
Ou ne trimait pas !
...Mais les ancêtres ne meurent pas !
Quand on n’aura plus rien à se mettre sous la dent, on mangera du foin,de l'herbe. C'est bon! Comme les vaches; ça ne veut pas dire que les hommes feront du lait, ni que les femmes ne porteront plus de cornes!
Et puis, quand on n'aura plus de foin, plus d'herbe, on se mangera les uns, les autres.
Mangez-vous les uns, les autres, c'est écrit quelque part.
Moi, je mangerai les petites filles; elles sont tendres, enfin tant qu'elles sont tendres, enfin tant qu'il y en aura!
Un de mes amis, lui, mangera les vieux chinois, les mandarins sortis de la cuisse de Confucius, ceux d'avant la révolution culturelle. Dans le riz!
Ce qui fait qu'il existe beaucoup plus de petits chinois qu'avant.
Au fond, ça fait longtemps que tout le monde se mange; mais on le cachait souvent, puis c'était pas commode. Aujourd'hui, avec les supermarchés tout va mieux:
- chinois de 1ère qualité
- chinois de 2ème qualité
- anglais de 1ère catégorie, de seconde
- arabes de 2ème qualité
- arabes avariés
- américains de 1er choix, le seul, depuis qu'ils ont bouffé les Peaux Rouges,
- français: ils sont à presser, ceux-là, il parait que leur jus est
excellent et riche en raisin fermenté,
puis des brassages, des collages, des rattrapages, des greffes, des paniers fleuris, des compositions
- anglais à l'américaine, à l'australienne, à l'indienne, à la con
- suédois à la japonaise, à la sénégalaise, à la bavaroise, à la tartare, etc. ... souvent des menus touristiques.
- libanais à la crème israélite,
- israéliens à la mode libanaise,
le tout dans des petits sacs de papiers cellophane, avec des petits prix et des petits avertissements du genre « attention à la date de consommation ou de fraîcheur! »
Mangez-vous les uns, les autres. Tout le monde pourra manger à sa faim: celui-là se fera une sacrée sauce de son voisin, parce que son voisin l'a¬vait mis dans un drôle de merdier à cause d'un récepteur non déclaré au percepteur;
-celui-ci se fera un ragoût de son percepteur, parce que son percepteur n'avait pas de récepteur dans le cœur;
-cet autre se bouffera le cœur avec violence (une fille de chez nous) pour oublier qu'il en avait eu un, pour bouffer ses amis, sans scrupule, parce que il faut manger quand on a faim
-lui, qui mangera son père, sa mère, ses frères, ses soeurs, son grand-oncle, sa femme, son chien, ses enfants, son curé, ses chaussures, sa brosse à habit, deux sœurs de charité, sa concierge, ses escaliers, ses balais-brosses qui entamera sa voiture, ses économies, ses coussins, ses cousins, son charcutier, son président de sa république, sa putain préférée, son bois de Boulogne, son autoroute de l'ouest, et qui, ayant toujours faim, se dévorera lui-même, les pieds, les mains, le ventre, la tête et quand il n'aura plus rien pour se nourrir, il laissera son dentier courir de gauche à droite pour qu'il morde dans le souvenir des cadavres qu'il a déjà bouffés.
C'est ça, mangeons-nous les uns, les autres!
Le petit garçon du premier étage, qui avait les yeux plus gros que le ventre, s’est tapé le père Noël entre quatre et cinq ans et la famille réunie parce que son gentil papa lui avait mis le père Noël dans son assiette, qu'il ne lui a pas dit qui c'était, ce que c'était, pourquoi c'était, comment c'était, quand c'était, où c'était, et le petit garçon est mort d'indigestion pour le restant de sa vie, même qu'il s'amuse aujourd'hui à avaler le père Noël des autres petits garçons.
Quand on n'aura plus rien à se mettre sous la dent, on se bouffera les uns, les autres
- dans des salons spécialisés, où l'on parlera beaucoup en levant le
petit doigt pour déguster Mr. Machin ou Mr. Truc, spécialité maison;
- dans des cercles d'anthropophagie auxquels on donnera rapidement deux étoiles -Oui, mon général!- pour la préparation du Chef
un doigt de communiste,
un doigt de capitaliste,
un doigt d'extrémiste,
un doigt de centriste,
un doigt d'anarchiste,
vous mélangez ce tas d'iste consciencieusement
(un chef a toujours sa conscience pour lui, parce qu'il est un chef, que les autres n'ont pas de conscience pour les autres et que c'est pour cela qu'il est un chef.)
vous laisser reposer pendant deux mois,
vous mettez à feu doux pendant sept ans,
le tout est meilleur réchauffé.
Le chef a ses secrets pour la sauce, pour la cuisson, pour ses secrets; et vous pouvez déguster enfin cet ensemble de délices que le Maître Queue a travaillé pour vous satisfaire et qu'il appelle extraordinairement, magnifiquement, grandiosement, câlinement, tendrement, adverbialement, « La main de fer du président de quelque chose »,
tout ça à cause des cinq doigts, paraît-il! (L'autre main, il se l'ait faite couper, puis bouffer, dans un concours de gastronomie, c'est pour cela qu'il l'a mise dans sa poche et qu'il siffle en regardant le ciel)
- dans des self-services paroissiaux où l'on mangera du pauvre à toutes les sauces ou en petits pâtés de Foi en regardant le ciel, là aussi. Il n'est pas bien haut, le ciel, dans les maisons d'aujourd'hui.
En attendant, tout le monde se mangera, tout le monde sera content de se manger, tout le monde aura toujours faim, ça continuera, ça continuera,
puis il n'y aura plus personne à manger,
puis il y en aura au moins un qui sera embêté,
parce qu'il faut vivre pour manger et non pas manger pour vivre,
il y en aura un qui sera embêté,
celui qui restera,
il ne saura pas comment vivre tout seul,
il fera une prière au Bon Dieu,
au Bon Dieu qui lui enverra une Bonne Femme,
une Bonne Femme pour qu'il ne s'ennuie pas,
et tout recommencera
avec la pomme d'Adam
le paradis perdu
et la Bonne Femme qui s'amuse à faire des petits!
Depuis son adolescence, il n'a pas poussé beaucoup, l'enfant d'hier
qui sera l'enfant de demain.
Bien sur, cet enfant-là n'est pas une fleur, mais il y a des raisons qui font pousser les gens comme des fleurs, et qui les poussent, et qui les poussent, ces gens qui finissent comme des fleurs.
Lui, l'enfant n'est pas une fleur; il ne poussera pas, il passera en ayant beaucoup bu, autour de lui, de la vie, il passera en ayant vu beaucoup de fleurs qui finissent, mais c'est dans son cœur à lui que pousseront des fleurs, mais c'est son cœur à lui qui poussera parmi les fleurs, et, quand il aura passé, l'enfant qui n'a pas d'âge, les fleurs se souviendront de lui et le vénèreront parce que lui, il n'aura pas poussé comme les autres et que les autres avaient rarement des fleurs dans le cœur.
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